Les boucles de feedback plutôt que la division du temps
La division du temps en phases successives de la gestion de projet moderne est source de problèmes. L'agilité apporte une réponse différente avec les boucles (ou itérations).
Voyons comment les boucles de feedback (saisons, sprints) abordent la notion de temps.
Cette nouvelle philosophie du travail repart du Manifeste agile :
un logiciel qui fonctionne plus que de la documentation exhaustive.
En l’actualisant — et en le tordant un peu — on peut dire que l’agilité entend substituer le travail avec des boucles de feedback à la division du temps tayloriste.
La division du temps provoque des problèmes ressentis par les travailleurs (les membres d’une équipe projet), les utilisateurs ou les sponsors :
- effet tunnel,
- choix prématurés,
- évolutions des besoins ignorées,
- plans déconnectés de la réalité,
- engagement non consenti,
- retards fréquents,
- bullshit jobs,
- pression hiérarchique,
- mesures opaques.
À l’organisation linéaire et séquentielle du travail, basée sur la conception et la planification a priori, l’agilité oppose un système circulaire, les boucles, basé sur la réactivité a posteriori aux nouvelles informations.
Co-construire le résultat avec les utilisateurs en le faisant évoluer à chaque boucle.
Des livraisons fréquentes
Le premier principe est de livrer régulièrement aux utilisateurs. L’intention est de leur donner un résultat de valeur (valeur d’usage) et en plus de leur permettre de donner leur feedback.
Voici quelques pratiques agiles qui y concourent :
Mises en service rapides
Il convient d’abord de bien comprendre la notion de mise en service.
Pablo Pernot, dans son article De la valeur désormais, souligne le risque lié à l’itératif et incrémental (ce que j’appelle maintenant Les boucles) :
C’est aussi grâce à l’itératif et l’incrémental que l’on optimise aux petits oignons nos produits numériques quand ils sont bien conçus. Et c’est grâce à cela que l’on capture complètement l’attention des utilisateurs. Chaque click est observé, scruté, et l’interface avec l’utilisateur adapté pour le capturer entièrement. On franchit une barrière que l’on ne devrait pas franchir.
Pour reprendre les relations du don selon Mauss, ce qu’il décrit correspond à prendre (capturer l’attention) et pas à donner (donner un résultat pour recevoir le feedback). C’est un risque qui est levé en se préoccupant vraiment des besoins des utilisateurs.
Tests d’acceptation
C’est un point-clé du développement par itérations : les tests d’acceptation sont inclus dans la boucle et non pas passés après par une entité externe. Ils peuvent constituer une spécification par l’exemple.
Déploiement continu
Le déploiement continu est un outillage qui permet d’être prêt à déployer rapidement un résultat, soit pour le mettre en service, soit simplement pour apprendre.
De la planification de projet à la planification par les besoins
Pour répondre aux problèmes de la planification de projet —une planification détaillée et faite au début en essayant de tout prévoir, suivie d’une pression sur les délais et les coûts— l’agilité adopte une stratégie basée l’évaluation régulière des besoins.
Naviguer malgré l’incertitude, en partant des besoins des utilisateurs.
Voici 3 pratiques agiles qui y participent.
Vision partagée
Pour naviguer, il faut un cap. Cet article —Vision partagée— présente une façon de le définir collectivement.
Backlog priorisé
Les demandes des parties prenantes, en particulier les utilisateurs, sont collectées dans le backlog qui alimente l’équipe. Le premier backlog découle de la vision et de la mission.
Le backlog étant priorisé, on peut en découler un plan facilement.
Les critères utilisés pour prioriser vont orienter le résultat obtenu. Le backlog est l’outil de planification qui va transformer les besoins en actions.
Objectifs adaptés à l’horizon temporel
La validation du plan s’effectue à chaque boucle. On définit en général deux horizons :
- La saison constitue une boucle de feedback avec un horizon d’un trimestre. La planification de saison est faite avec des gros morceaux du backlog.
- La boucle principale, avec une durée plus courte, est le plus souvent appelée le sprint.
Pendant un sprint, l’équipe coopère pour arriver à un résultat (le résultat du sprint).
La planification s’adapte à l’horizon considéré, saison ou sprint.

Du micro-management au suivi avec des rites collectifs
L’intention avec ce suivi, c’est :
Se synchroniser pour évaluer l’avancement et prendre des décisions en équipe.
Mêlée quotidienne
L’avancement collectif vers l’objectif commun est examiné lors des rites d’équipe, comme la mêlée quotidienne ou la revue.
Démonstration du résultat
La démonstration faite par l’équipe est une invitation au feedback. Elle est généralement faite lors du rite de fin de sprint, la revue. C’est une bonne façon de répondre à l’effet tunnel, un problème de la division du temps. C’est aussi une rencontre avec les utilisateurs permettant de préciser leurs besoins.
Écoute des utilisateurs
Des boucles orientées utilisateurs, cela signifie AVEC les utilisateurs. Prendre des données sans leur consentement et se servir des mises en service rapides pour optimiser la valeur économique, ce n’est évidemment pas dans l’esprit. Mais c’est tellement facile à faire. Il convient de prendre en compte d’autres valeurs que la valeur économique.
Ce que les utilisateurs reçoivent avec une mise en service, c’est de la valeur d’usage, c’est à dire en quoi le produit ou service améliore leur vie. Et en plus ils ont la possibilité de donner en retour leur feedback, qui porte sur l’usage qu’ils font de ce résultat : ce qui leur plaît, ce qui ne leur convient pas, des questions, des suggestions… L’équipe se doit d’être à leur écoute et de répondre à ce don en incluant des retours dans le prochain résultat.