Choisir la sobriété au lieu de subir la flexibilité

Une approche simpliste de l’agilité comme outil d’adaptation au changement conduit au faux-agile.

Sommaire

Il faut s’adapter !

Comment sortir de cette injonction néolibérale appelée flexibilité ?

La flexibilité est souvent présentée, à tort, comme de l’agilité.

Voyons les principes, concepts et pratiques qui redonnent tout son sens au travail plutôt qu’à cet oukase flexible.

Devenir le changement, c’est se donner la possibilité de s’informer et de prendre part aux décisions qui nous impactent à différents niveaux.

Rythme soutenable

La mot vélocité est typique de cette récupération de l’agilité. Il peut être utilisé pour inciter l’équipe à aller vite, ce qui n’est pas l’idée de départ.

À la vitesse, voire l’accélération du travail, l’agilité substitue le rythme soutenable au sein d’une équipe.

L’intention avec ce principe, c’est :

prendre le temps de réfléchir.

L’article sur la division du temps montre que le taylorisme a engendré de la souffrance au travail, avec la pression mise sur les employés. Dans le Manifeste agile de 2001, on trouve déjà le rythme soutenable (sustainable pace) dans la liste des principes.

Ce principe se décline avec des pratiques, en voici quelques-unes.

Mou dans les plans

Le mou sert à augmenter la capacité de l’équipe à donner un résultat en lui laissant du temps pour réfléchir ou répondre à des imprévus.

Dans son dernier livre, James Shore donne une place importante au slack.

Qualité non négociable

Éliminer les erreurs à leur source plutôt que les chercher et les corriger après leur impact.

La qualité est inhérente à l’agilité, qui considère qu’elle n’est pas négociable, alors que souvent pour aller plus vite, on pousse l’équipe à la négocier. Le développement des capacités de l’équipe en ingénierie contribue à diminuer la dette technique, conséquence de la non qualité.

Focalisation

Au multitâche, l’agilité substitue la focalisation.

L’intention avec la focalisation, on peut la résumer avec ce slogan :

arrêter de commencer, commencer à finir !

La focalisation repose sur des pratiques, comme par exemple ;

Limite du travail en cours

Pour arrêter de commencer de nouveaux travaux, la pratique (connue aussi sous le nom de WIP) de limitation explicite du nombre de travaux en cours permet de s’interroger quand un nouveau travail à faire apparaît. Elle est associée à Kanban.

Définition de fini

La pratique Définition de fini permet de définir collectivement en quoi consiste finir. Elle porte sur la qualité du produit. Elle se présente comme une liste des vérifications permettant de s’assurer de l’état du résultat.

Maintenance du vivant

À la maximisation du profit, l’agilité oppose la maintenance du vivant.

L’intention, c’est :

répondre aux besoins des utilisateurs (valeur d’usage) tout en prenant soin des gens (valeur sociale) et en prenant soin de la Terre (valeur écologique).

Pour passer du profit au soin du vivant, il s’agit de construire un nouveau modèle pour sortir de la course au profit, en y intégrant la valeur sociale et la valeur écologique.

valeur sociale

prendre soin les uns des autres de sorte que chacun soit plus libre, profite de la vie, jouisse de la liberté et occupe agréablement ses loisirs - David Graeber.

L’intention avec la prise en compte de la valeur écologique, c’est :

prendre soin de la Terre.

Il ne s’agit pas d’imposer la sobriété d’en haut (ce qui en ferait une injonction, comme la flexibilité). La planification démocratique, c’est :

  • étendre l’autonomie de l’équipe en y incluant le résultat qu’elle produit,
  • lui donner la capacité de réduire la production (en s’appuyant, par exemple, sur la triade éviter - substituer - améliorer du GIEC).