L'agilité est une philosophie du travail
L'agilité est souvent caractérisée par ses valeurs. Le problème, c'est que les valeurs sont *évaluées* par chacun différemment. Essayons plutôt de définir l'agilité avec des principes.
Essai pour comprendre pourquoi aujourd’hui l’agilité ça ne marche pas toujours et donner des pistes pour demain.
En partant des principes, l’agilité peut être considérée comme une philosophie du travail.
Travail
La notion de travail est à prendre dans un sens large (pas seulement le travail en entreprise).
Le travail, c’est ce par quoi on cultive un savoir, quel qu’il soit, en accomplissant quelque chose.
— Bernard Stiegler
Après avoir élargi, recentrons sur la cible de l’agilité.
L’agilité est adaptée au domaine de la connaissance (knowledge). Dans cet article “Finalement pourquoi l’agilité ?” je présente, avec un extrait de L’art de devenir une équipe agile les arguments qui expliquent pourquoi.
Je ne peux pas prouver que j’ai raison de dire que l’agilité est la solution dans ce domaine (nous ne sommes pas dans la science, pas de preuves). Cependant je peux m’appuyer sur de nombreuses délibérations, publications et expériences sur le sujet pour énoncer :
L’agilité est une philosophie du travail dans le domaine de la connaissance. C’est un domaine où l’accomplissement de quelque chose est souvent fait en équipe.
Agilité
J’arrive à ma définition de l’agilité :
L’agilité est la capacité d’une équipe à s’auto-organiser et à écouter les utilisateurs lors des boucles de feedback, pour créer et maintenir un service répondant à leur besoin, tout en amplifiant sa robustesse face à l’incertitude et en faisant preuve de sobriété face à la dette écologique.
L’agilité est basée sur des fondamentaux et des principes :
- fondamental
- Le (principe) fondamental est une proposition initiale d’où l’on tire d’autres propositions et qui ne peut elle-même être déduite.
- Dans une approche donnée, un (principe) fondamental est universel quel que soit le contexte
- Exemples : la division du travail est un fondamental de l’approche moderne (venant du taylorisme), les boucles de feedback sont fondamentales pour l’agilité
- principe
- Un principe (simple) est une proposition qui découle d’un fondamental.
- Exemple : la pluridisciplinarité de l’équipe est un principe de l’agilité contribuant au fondamental robustesse de l’équipe.
En “travaillant” sur la fresque de l’agilité, nous avons sélectionné 4 fondamentaux et 12 principes :

L’agilité ne répond pas aux promesses
Cependant, nous constatons que l’agilité ne répond pas toujours aux promesses qu’elle a suscitées. Tentons d’expliquer pourquoi.
Avec le postulat que l’agilité est vraiment adaptée au domaine de la connaissance, la raison qui vient à l’esprit, c’est que les principes ne sont pas suivis.
Deux explications possibles :
- ils sont mal compris ;
- d’autres principes, que ceux de l’agilité devraient remplacer, résistent.
Effectivement, une autre philosophie du travail, celle qui vient du monde industriel de fabrication de masse, a profondément marqué les esprits. Ce courant, venant du taylorisme et du fordisme, a évolué, en conservant la philosophie générale du contrôle. Le management moderne — on peut la qualifier ainsi — possède des principes opposés à ceux de l’agilité.
Comment faire pour que l’agilité fonctionne mieux ?
Trois pistes sont envisageables.
La première est de se conformer vraiment aux principes de l’agilité. Déjà, dans le contexte des organisations marquées par le courant “command & control”, ce n’est pas facile de se couper de son influence sans être convaincu des résultats. De plus le suivi d’un principe est sujet à interprétation (moins que celui d’une valeur cependant) si on ne le place pas dans l’action.
La piste pragmatique est de partir des problèmes. Après tout, peu importe que l’agilité soit bien appliquée, ce qui compte c’est ce qu’elle produit auprès des personnes. Les études montrent que la souffrance au travail est importante. On perçoit depuis quelques années que l’agilité mal appliquée y prend aussi sa part.
Les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de l’agilité peuvent être collectées auprès des personnes impliquées. Les mêmes problèmes se retrouvent souvent, dans des contextes différents, ce qui permet d’identifier des façons de (mal) faire, appelées antipatterns. Leur identification est un premier pas vers une substitution visant à réduire voire éliminer la difficulté ressentie, que nous appelons pattern.
- antipattern
- Un antipattern est, dans un contexte donné, une mauvaise solution à un problème. Ceux qui utilisent cette solution pensent bien faire, le plus souvent par ignorance.
- pattern
- Un pattern est une solution éprouvée pour un problème. C’est la réponse — de l’agilité dans notre cas — à l’antipattern. Il ouvre la voie vers des pratiques adaptées au contexte, donc des actions.
La troisième piste pour obtenir de meilleurs résultats avec l’agilité est d’en discuter, en prenant le temps. Au niveau de l’équipe il existe bien sûr les rétrospectives et au niveau d’une organisation les communautés de pratiques.
Les forums ouverts constituent un format idéal pour des délibérations dans un contexte plus large.
Agile tour Toulouse est organisé cette année sous forme d’Open Space. Nous y proposerons la Fresque de l’agilité, qui permet d’explorer ces 3 pistes. Eh oui, je fais toujours de la publicité pour cette conférence, 16 ans après avoir participé au lancement de la première. Je dois bien ça aux organisateurs, ils m’ont gentiment invité à cette édition 2024.