Réponse à Antoine : Scrum, traduction et certifications

Grâce à son feedback je précise ma position sur Scrum en français.

Un certain Antoine de Lyon a écrit un commentaire sur la page de mon livre Scrum d’un site (fameux, mais GAFAM) qui le distribue.

Merci Antoine de m’avoir donné l’occasion de revenir sur des sujets qui me sont chers depuis que j’écris à propos de Scrum.

Le commentaire d’Antoine

Je le cite tel quel, en laissant ses fautes d’orthographe et de français.

Un gros défaut, la francisation

Le livre est plutôt bien structuré et écrit mais il souffre malheureusement de ce que je qualifierai de gros défaut : la francisation des termes liés à SCRUM.

Avec SCRUM, on crée un cadre de travail, une structure de base, un framework, et il est très dommageable d’avoir une référence qui se positionne en dehors du cadre en traduisant une grande partie des termes clés de SCRUM. Si on lis d’autres ouvrages ou articles de référence sur scrum.org ou scrum alliance, on perd ses repaires. Comment dialoguer et échanger avec des équipes internationales ou qui ont la référence initiale en anglais si on utilise pas le même vocabulaire ?

Ma lecture de l’ouvrage n’a pas été fluidifiée par l’utilisation des termes francisés, j’ai bloqué, essayé de retrouver les termes.

L’auteur a une démarche intéressante, je suis moi même attaché à la langue française, cependant, je pense que c’est un choix qui apporte plus de confusion que de clarifications.

Si vous comptez par ailleurs passer une certification SCRUM, attendez vous à devoir utiliser les termes anglo-saxons.

Le commentaire d’Antoine est le 26e sur cette liste, le premier négatif depuis que j’ai publié mon livre début 2022.

Francisation c’est incorrect

Le titre du commentaire m’a fait mal aux yeux. La francisation s’applique à des peuples, éventuellement à des noms propres, en particulier des noms de villes. D’une part, je n’ai pas l’intention de franciser le peuple des agilistes, d’autre part il ne cite pas les termes que j’aurais “francisés” mais je vous garantis qu’il ne s’agit pas de noms propres. Par exemple j’écris définition de fini et non pas definition of done.

Mon gros défaut, ce serait donc d’écrire en français ? Ou plus précisément d’avoir traduit un mot anglais pour lequel existe un mot français qui va bien ? Que j’écrive fini n’empêche pas Antoine d’utiliser done ou daily à l’oral s’il le souhaite.

On n’écrit pas SCRUM

Antoine écrit SCRUM comme si c’était un acronyme. C’est incorrect. Il s’agit de la méthode Scrum, dont le nom vient de la mêlée au rugby.

Je mets une majuscule au début car Scrum est ici considéré comme un nom propre, que je ne francise pas, sinon j’aurais donné Mêlée comme titre à mon livre.

La traduction c’est un art

J’ai encore le souvenir de ma formation à Scrum en 2004, une formation donnée par le québécois François Beauregard. J’ai même retrouvé le support de cours dans mes archives.

Tout était en français.

Extrait du support de cours Scrum de 2004

Oui, même backlog est traduit, en carnet de produit.

C’était il y a 20 ans, pour donner un repère (qui en a plus besoin que de repaires…) chronologique à Antoine. Depuis des mots ont changé dans le vocabulaire de Scrum, en anglais comme en français. C’est bien normal, le langage évolue.

J’ai commencé à écrire sur ce blog en 2006 et ce sujet de l’usage des mots pour parler de Scrum et de l’agilité y est bien présent les premières années.

C’est vrai que me suis parfois agacé contre le franglais.

En plus d’écrire j’ai participé à de nombreuses traductions d’articles ou d’ouvrages. Pour la plupart, il s’agissait d’un travail collectif, avec de nombreuses discussions pour définir le bon mot à utiliser.

La traduction c’est un art qui demande de la réflexion, il ne s’agit pas de traduire mot à mot le texte initial (sinon un algorithme d’IA suffirait).

Les guides Scrum

L’édition 1 de mon livre a été écrite en 2009, publiée début 2010. Le sous-titre en était :

le guide pratique de la méthode agile la plus populaire.

Oui, le guide pratique en français.

Guide Scrum

À l’époque, il n’existait pas de référence pour Scrum. La première version du guide Scrum (de scrum.org) est sortie en 2010, plusieurs mois après que mon livre soit publié.

J’ai donc utilisé les mots venant de l’usage sur le terrain, après bien des expérimentations. Au fil des versions, mon vocabulaire a légèrement évolué, en particulier pour rester cohérent avec le guide scrum.org quand c’était possible.

Car j’ai participé à la traduction des premières versions de ce guide. La dernière fois, c’était en 2017. On trouve cette traduction sur le site des Traducteurs agiles.

Elle est non officielle, je crois que c’est parce qu’un autre groupe affilié à scrum.org a été mandaté.

En tout cas, le constat est que pour le guide Scrum paru en novembre 2020 la traduction est très médiocre. Bon, le contenu aussi, j’ai écrit une série d’articles pour montrer qu’il fallait déconstruire ce guide Scrum.

Scrum édition 6

Antoine fait un commentaire sur l’édition 6 de mon livre Scrum. Si je critique le guide scrum.org, j’ai quand même pris soin d’y noter les différences de vocabulaire avec mon livre. Elles sont mentionnées dans une rubrique à la fin de chaque partie.

Les voici, rassemblées :

Scrum édition 6Guide scrum.org fr
équipe ScrumScrum Team
coéquipierDeveloper
backlogProduct backlog
plan de sprintSprint backlog
résultat de sprintincrement
objectif de saisonProduct goal
définition de finiDefinition of done
ritesévénements
planification de sprintsprint planning
mêlée quotidiennedaily scrum
revuesprint review
rétrospectivesprint retrospective

L’usage de ces 12 termes, qui a bloqué Antoine, ne me paraît pourtant pas de nature à perturber un lecteur qui aurait lu le guide scrum.org au préalable.

Antoine finit en évoquant la certification Scrum, comme si c’était naturel de l’associer à Scrum. Pourtant la certification contribue à l’individualisation ce n’est pas du tout dans l’esprit de l’agilité. Je vais donc exercer mon esprit critique, ce sera l’objet du prochain article.

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